[Interview] : BOSS - Jaeyez (Tracklist #07, septembre 2002)

Publié le par Nico

Jaeyez

 

Même s’il exerce depuis déjà longtemps (alternant les phases de lumière et celles d’ombre) et qu’Afrojazz a su marquer le rap français de son identité, il aura fallu attendre 1999 pour que Jaeyez existe en tant qu’individu pour le public. En un morceau, « C’est arrivé près de chez toi » sur le dernier album de NTM, il a su de sa voix grave se rappeler au bon souvenir des auditeurs les plus éclairés. L’homme aux yeux de ninja, signé chez BOSS depuis maintenant plus de deux ans, sort enfin son premier maxi solo. Rencontre avec un homme discret qui a su tant bien que mal surmonter les épreuves (nombreuses) qui ont jalonné sa carrière…

 

Peux-tu retracer ton parcours pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Jaeyez : Ninja Eyez, un tiers d’Afrojazz, le groupe que je formais avec Daddy Jockno et Robo. On a sorti deux un albums : « Afrocalypse » chez Island en 1997 puis « AJ-1 » chez Barclay en 1999. Entre les deux, Jockno est parti, on a donc fait le deuxième album à deux. Ensuite Robo a décidé d’arrêter de rapper et je me suis retrouvé tout seul. C’est à cette période là que Joey m’a proposé d’intégrer le BOSS. Là, je sors mon premier maxi solo « Ma mère, ma femme, ma fille / Guidance » chez eux.

Je fais un peu de prod aussi : un morceau pour Lady Laistee, un morceau pour 357 sur Hip Hop Vibes et d’autres gars pas encore trop connus pour le moment.

 

Comment as-tu vécu les échecs commerciaux des albums d’Afrojazz et le départ de Jockno ?

Jaeyez : Afrojazz était un groupe toujours en mouvement, en constante évolution (comme se doit d’être le rap). C’était à la fois une qualité et un défaut : les gens nous appréciaient avec un style mais on revenait avec un autre et ils ne comprenaient pas. Je pense qu’il fallait que le public nous connaisse mieux pour bien apprécier le premier album. Pour ma part, je le trouve très bien, je le revendique pleinement malgré ses erreurs. C’était peut être trop tôt.

Le deuxième album a été très dur à réaliser : il manquait Jockno, on arrivait chez Barclay et ça se passait pas aussi bien que chez Island, on essayait de sauver notre contrat. « AJ-1 » aurait pu être un bon album mais il puait vraiment trop la misère, la souffrance : c’était vraiment dur à ce moment là. On s’est aussi leurré (moi le premier) en pensant qu’Afrojazz pourrait exister sans Jockno, sans lui c’était mort.

 

On vous a pas mal catalogués comme étant les ODB français…

Jaeyez : Le Wu Tang était tellement fort pour le public et pour nous à l’époque qu’on a pris ça pour un compliment, surtout qu’au départ on avait déjà ce délire sans connaître. Personnellement, ça me flattait puisque ce que je faisais n’était pas forcé et que je n’avais cherché à faire du Wu-Tang : j’ai toujours fait du Jaeyez. Je me proclame comme Original MC et j’ai jamais été un sucker. Les suckers c’est courant dans le ragga et de plus en plus dans le rap, j’essaie d’éviter ça à tout prix.

 

Tu t’es mis au ragga ?

Jaeyez : Un peu, je fais ça pour délirer, échanger des vibes. Mon premier amour avant le Hip Hop, c’est le reggae. Sur l’album, il y a deux morceaux reggae que j’aimerais bien faire… On verra.

 

Afrojazz se revendiquait beaucoup « pro-black » à une époque. C’est une étiquette qui vous a gêné ?

Jaeyez : Ce côté là a été mis en avant à la fois consciemment et inconsciemment. On est de la génération Public Enemy, KRS-One… On se rend compte aujourd’hui qu’à l’époque où on revendiquait ça, on nous a collé une étiquette qu’on n’arrive pas à décoller. Pourtant c’est important de connaître ses racines, l’origine du peuple noir, etc… Pro-black n’est pas un terme extrémiste, c’est juste être fière de ses origines et de qui on est.

 

Comment t’es-tu retrouvé sur l’album de NTM (pour le titre « C’est arrivé près de chez toi ») ? Ils avaient déjà posé sur « Afrocalypse » alors qu’ils sont connus pour ne faire des featurings que très rarement…

Jaeyez : On se connaît depuis 1995. Joey avait entendu une démo de Jockno et moi qu’il avait bien kiffé. Il voulait nous proposer de faire la première partie de leur concert au Zénith mais ça n’a pu se faire que l’année d’après au Bataclan. Ça nous a ouvert pas mal de portes dont celles des maisons de disques. Joey avait également produit le morceau « Afrojazz » sur notre maxi « Perle Noire ».

On a gardé contact au fil des années. NTM c’est un peu comme nos grands frères dans le rap, les gens chez qui ont a signé faisaient partie de la famille NTM… Quand Afrojazz s’est fini, je n’avais plus de contrat, plus de groupe, plus rien. J’étais toujours en contact avec Joey et il m’a proposé d’intégrer BOSS. Un grand merci à lui de m’avoir donné cette chance.

 

Le morceau « C’est arrivé près de chez toi » avait bien marché, en concert les gens réagissaient pas mal à ton apparition… Pourquoi ne pas avoir enchaîné sur une sortie solo ?

Jaeyez : En 1999, je bossais sur « AJ-1 », j’essayais de sauver mon groupe, je pouvais pas croire qu’Afrojazz c’était terminé. Le groupe existait officiellement depuis 1995 mais je rappais avec Jockno de 1992.

 

Sur ton maxi, tu es toujours incisif mais on te sent plus posé. Un morceau comme « Ma mère, ma femme, ma fille » est un morceau  de quelqu’un qui a un certain vécu…

Jaeyez : Oui je suis plus posé c’est vrai. A l’origine, le morceau « Ma mère, ma femme, ma fille » n’était pas prévu pour le maxi mais pour l’album. Je l’ai posé sur une prod de Spank, ils ont bien aimé et m’ont poussé à le sortir sur le maxi.

 

Tu as produit « Guidance » pour BOSS. Tu fais partie du pool production ?

Jaeyez : Dire que je fais partie du pool production est un bien grand mot. La majeure partie des prods, c’est Joey et Spank. Je produis principalement pour moi, je n’ai pas encore de « clientèle » mais être chez BOSS peut m’ouvrir des portes.

Je suis plutôt de l’école New York : gros beat, grosse basse. Ça fait 5 ou 6 ans que je bidouille, maintenant j’ai envie de faire vraiment de la musique. Pour ça, il faut s’ouvrir, écouter plein de choses différentes sinon tu t’enfermes et ta musique est pauvre.

 

Tu as posé sur la BO du film « Féroce ». Tu peux nous en parler un peu ?

Jaeyez : « Une France qui bouge » avec Joey et Cash Flow, c’est le premier truc que j’ai fait en arrivant chez BOSS. J’ai aimé le thème du film (un Arabe infiltre un parti d’extrême droite - NDLR) et j’aimerais vraiment que la France devienne un pays qui bouge.

 

Toi qui a déjà pas mal de vécu dans le rap, quelle vision portes-tu sur ce qui se fait actuellement ?

Jaeyez : A l’époque où j’ai commencé, il y avait un amour du verbe, on croyait vraiment en ce qu’on disait. J’aimerais bien éveiller certaines conscience sur certains sujets. Je n’ai pas vraiment de message à faire passer à part « Jah love ». J’essaie de faire attention à ce que je dis, il ne faut pas donner de mauvais exemple aux plus jeunes d’autant plus quand tu sais que ce tu dis sera écouté.

 

Sortir chez BOSS, c’est un peu quitte ou double ? Si tu n’avais pas été pris chez eux, tu aurais arrêté ?

Jaeyez : J’aurais pas arrêté, j’aurais fait ça avec mes petits moyens. Comme je disais dans « Rappeur pauvre » sur « AJ-1 » : j’ai jamais été plein aux as, j’ai toujours fait mon truc à fond. Aujourd’hui, j’ai 29 ans… en tant que rappeur, j’arrive au bout mais il reste toujours la prod. Je remercie Joey, Spank, Lickshot de m’avoir filé un coup de main. J’aimerais bien sortir mon album avant la fin de l’année mais ce n’est pas moi qui décide ça tout seul.

 

Un mot sur ton album ?

Jaeyez : Aujourd’hui, mon solo est presque prêt, on finit ça tranquillement. Je préfère ne pas trop en parler pour le moment.

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B
Bonjour, je recherche la BO du film Féroce ou au moins le titre 'une France qui bouge' Merci
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