[Interview] : Rocca (Tracklist #12, mai 2003)

Publié le par Nico

Rocca.

 

Après l’accueil plutôt frileux réservé à son second album « Elevacion », Rocca avait quelque peu disparu du milieu rap parisien. Les mauvaises langues n’auront pas manqué de le remarquer et de dire qu’il avait mal supporté l’échec de l’album éponyme de La Cliqua et les critiques sur son dernier solo.

 

Il n’en est en fait rien : l’homme est trop sûr de lui et de sa démarche artistique pour laisser quelques déçus (ou « langues de pute » pour reprendre ses mots) avoir raison de sa motivation. Pendant ces quelques mois d’absence, celui qu’on surnommait « Chief » n’a pas chômé, profitant de cette apparente traversée du désert (du moins pour nous autres Français) pour voyager (New York, Colombie / Amérique latine) et commencer à développer son label « Parcero Productions » dont la première réalisation est l’album mix-tape de son groupe « Tres Coronas » (disponible uniquement en Amérique latine et bientôt sur la côte est américaine). Rocca attaque donc le monde sur deux fronts bien distincts qu’il ne souhaite pas voir se mêler : « Ici, les gens me comprennent parfaitement quand je leur parle en français, je ne vois pas pour moi l’intérêt d’arriver en France avec un disque en espagnol ».

 

Cette mise à l’écart volontaire et cette ouverture vers d’autres horizons auront changé l’état d’esprit de Rocca. Plus concentré sur sa musique et moins sur la chasse aux wacks, il apparaît plus posé (du moins en interview, il n’a pas encore enterré la hache de guerre quand il s’agit de prendre le micro), plus réaliste avec même une certaine tendance au cynisme quand il s’agit d’aborder la question du business dans le rap.

Ce n’est pas pour autant que la moitié de la Squadra est moins motivée, bien au contraire : plus ambitieux et travailleur que jamais, il estime à 26 ans que le gros de sa carrière est encore devant lui : « Je ne suis pas prêt de m’arrêter. Je commence seulement à être à peu près satisfait de ce que je suis en tant qu’homme et en tant qu’artiste. J’ai énormément de choses à accomplir que ce soit en France, en Amérique latine ou aux Etats Unis ».

 

Pas d’amertume quand il s’agit d’aborder le cas de « Elevacion » : « Sans cet album, je n’aurais jamais pu faire ce que je fais aujourd’hui. Il m’a permis d’expérimenter énormément de choses aussi bien en matière de son (en faisant intervenir des musiciens, en m’essayant sur des beats rapides), de flow que de thèmes (qui étaient plus sociaux que ceux que je peux avoir maintenant) ». Il précise d’ailleurs que « la fin de l’album (des titres comme « R.A.P. » ou « Spasmes ») annonçait le style que je fais maintenant ». Ainsi donc, ce n’est au final un échec que d’un point de vue strictement commercial, le plus important étant qu’il ait servi « d’élévateur » à un Rocca en pleine mutation.

Quand on lui fait remarquer que l’écoute de son 2ème album est assez éprouvante en raison de la violence qui se dégageait de son interprétation, « le Colombien qui sait parler français » confirme : « J’étais dans une période très… énervée. Je pesais 8 kilos de plus, j’étais à fond dans le sport. J’allais jusqu’à faire des séries de pompes avant de poser ». Quand on lui demande les raisons de cet état d’esprit, il confie à demi-mots que la dissolution de la Cliqua n’y est pas totalement étrangère.

 

Après avoir écumé les scènes outre-atlantique (aussi bien au Nord qu’au Sud de l’Equateur), Rocca revient bizarrement par la petite porte vers le public de ses débuts avec un maxi sorti dans la plus grande discrétion. En effet, on a beaucoup parlé de la galette contenant « Trafic » et « Légendaire » (qui voit le mythique duo La Squadra se reformer pour l’occasion, malheureusement - il faut bien le dire - sans la magie de l’époque) comme d’une rumeur. Autant la démarche peut paraître étrange, autant celle-ci est réfléchie : « Je voulais revenir de cette façon, qu’on reparle de moi sans trop savoir ce qu’il en était, que le buzz monte. Mon vrai retour ça sera le maxi ‘Sarbacane 2003 / Illégal’ ».

 

Un nouveau maxi avec, bien qu’il s’en défende, un goût de nostalgie donc (au moins pour les auditeurs) puisque après la reformation de la Squadra le temps d’un morceau, Rocca fait un clin d’œil à l’un de ses titres phares (et on pourra même aller jusqu’à dire un des titres phares du rap français) « Comme une sarbacane » pour son grand come back (le maxi sera dans les bacs dès le 20 avril).

Une première étape (un autre maxi sortira fin mai) pour annoncer la sortie le 10 juin de « Amour suprême », le troisième album de l’ancien membre de La Cliqua. Il reste pour le moment assez discret sur le sujet, utilisant intelligemment la méthode du teasing pour attiser la curiosité : « J’ai travaillé avec moins de producteurs que sur mon précédent album : seuls Gallegos, Chris et mon frère se sont chargés de la production. Les beats seront moins rapides que sur ‘Elevacion’ qui était trop éprouvant à défendre sur scène. […] Je reviens à la base du rap : plus d’enregistrement sur plusieurs pistes comme j’avais expérimenté sur ‘Elevacion’ ».

 

Si « Elevacion » avait pu décevoir, ce que laisse présager « Sarbacane 2003 » risque de remettre tout le monde d’accord et rappeler au public qu’il avait eu tort d’enterrer Rocca aussi vite…

 

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