[Interview] : DJ Pray'One (Tracklist # 11, mars 2003)

Publié le par Nico

DJ Pray’One.

 

Si on suit un tant soit peu le marché de la mix-tape, on ne peut ne pas avoir entendu parler de Pray’One,  DJ exigeant et multi-casquettes. Celui qui est l’instigateur et la tête pensante du crew Cypha Prayer sort le volume 2 de sa double mix-tape « MCs en faktion » (cette fois-ci sans DJ Saphyr), toujours avec une grosse centaine de MCs français mais aussi anglais et américains. Le stick annonçait « Si t’es mauvais t’es pas dessus »… Le fait est que Pray’One sait où il va et n’a pas sa langue dans sa poche. Rencontre.

 

Peux-tu te présenter et résumer ton parcours ?

Pray’One : Je suis originaire de Toulouse. Là bas je taggais avec des mecs et je tiens mon pseudo de cette époque. Je suis DJ depuis 5 ou 6 ans, je m’y suis mis sérieusement quand je suis arrivé à Générations sur « Génération DJ » avec Saphyr. Ensuite, on a enchaîné sur « Sang d’Encre » pendant deux ans.

J’ai fait une quinzaine de mix-tapes dont « MCs en Faktion », « Psychoheadz », les « Hip Hop Brevage », une tape « Nas / Jay-Z » qui se sont toutes très bien vendus (3000 exemplaires chacune au moins)… J’ai participé aux maxis d’ANPE.


Quel est ton rôle par rapport à ANPE ?

Pray’One : J’en fais pas officiellement partie mais… j’en fais partie (rires). Mon manager, Samir, est le manager d’Asken. C’est une histoire de famille.

 

Qu’est-ce qui t’a fait venir aux platines ?

Pray’One : Je rappais trop mal (rires). A l’origine, j’étais surtout intéressé par la production mais comme je n’avais pas les moyens, je me suis mis aux platines et ça m’a plu.

 

Parle-nous de ton crew, Cypha Prayer : on ne sait plus très bien qui est dedans aujourd’hui…

Pray’One : A l’origine, c’était juste Saphyr (qui bossait avec AK47, devenu Force 2 Frappe) et moi qui bossais avec les Fauves (dont on a sorti le premier maxi). On a rencontré Dramaa et Kyllaa qui ont formé Assos 2 Locos. De cette époque, il ne reste plus que moi : chacun a suivi sa voie mais tout le monde est en bon terme.

Aujourd’hui, il y a Redbull qui à l’origine faisait des clips et des courts métrages, DJ Hertz qui vient d’intégrer l’équipe et un groupe de Boulogne PP7 (Babas et Lo’Sky).

 

Tout ces changements, ça n’a pas brouillé la perception que les gens pouvaient avoir de Cypha Prayer ?

Pray’One : Je pense que dès le départ, les gens ne savaient pas trop qui faisait partie du crew. L’organisation était un peu brouillon. Aujourd’hui, au niveau communication je suis plus carré et je pense que pour Hertz et PP7, il n’y aura pas de confusion dans l’esprit des gens.

Je vais passer en SARL pour pouvoir gérer la production, le studio, un fanzine qui s’appellera « Paper » (que je fais avec Greg de Sans Concession), le graphisme et une marque de vêtements.

 

A multiplier les casquettes, c’est pas le meilleur moyen de mal faire les choses ?

Pray’One : Avant, on avait tous un rôle défini mais au final, c’est moi qui faisais la plupart des choses ou qui les finissais. Je me plains d’avoir trop de trucs à faire mais quand je fais rien je m’ennuie (rires) !

 

Le volume 2 de « MCs en faktion » est toujours un format double K7. Pour quelle raison ? Comment s’est faite la sélection ?

Pray’One : Pour rester dans le délire de la première. En K7, il fait 187 minutes et malgré ça, j’ai pas pu inviter tous les gens que je voulais. Sur les CD, il y a 23 minutes de moins : ce sont souvent des gens que je n’avais pas appelé à la base ou des gens dont je savais qu’ils pouvaient faire mieux.

 

Et les anglophones ?

Pray’One : B.A. (Atlanta) est signé sur le label Twin Fizz basé à Paris, il m’a ramené Jemini (New York) et Danger Mouse (Atlanta), Féross m’a présenté Amad Jamal (LA) et Rising Son. Dilated Peoples m’ont envoyé Sage Supreme qui fait leurs backs. Subverse m’a contacté pour faire poser leurs artistes sur des produits à moi et il y a donc C-Ray Wallz, etc…

 

Il y a plus d’une centaine de MCs, les morceaux s’enchaînent à toute vitesse… C’est un peu éprouvant à écouter.

Pray’One : La première était un peu dans le même délire. C’est peut être éprouvant mais si tu kiffes pas un mec, tu sais que 1’30 plus tard y aura un mec meilleur. Là, j’ai voulu donner du temps au plus de mecs possibles. Après, c’est vrai que j’ai été frustré de pas donner plus de temps à certaines personnes comme JL par exemple.

 

Tu as vraiment du supporter des boulets comme ceux qui sont caricaturés dans les interludes ?

Pray’One : (rires) Au téléphone, grave ! C’est en permanence… Le problème c’est que je me demande comment les gens vont les prendre ces interludes : ils sont tellement teubés parfois qu’ils sont capables de les prendre mal : je jette les gens mais je m’insulte aussi (c’est moi qui fait Toufik).

C’est un délire pour répondre à ceux qui croient que c’est un du de poser sur mix-tape : on met de l’argent, on fait de la promo, mes tapes sont bossées comme des albums et j’ai l’ambition de faire 10.000 ventes pour le printemps donc pour ça, il faut que je m’assure de la qualité. Aujourd’hui, il y a trop de mecs qui croient qu’avec 6000 francs, on fait une bonne mix-tape. Ça suffit pas, ça se travaille.

Il y a eu des sticks « Si t’es mauvais, t’es pas dessus ». Evidemment, il y a des mecs super forts qui sont pas dessus, c’était pour choquer, créer un buzz. Mais même ça, les gens le prennent au pied de la lettre.

 

D’après ce que tu me dis, tu as vendu pas mal de cassettes dernièrement. Le marché n’est donc pas bouché ?

Pray’One : J’ai vendu 3000 « Hip Hop Brevage vol.3 » alors que c’est du mix US indé, réputé peu vendeur. C’est peut être parce que je suis là depuis 5 ou 6 ans, que je suis jamais parti en couille à mixer du r&b pour faire du fric. Il y a la garantie d’un type de son, tu peux être sur que ça partira pas dans les derniers trucs des majors et qu’il n’y aura pas de mix r&b.

 

La mix-tape a perdu sa fonction de découvreuse de talents. Ton avis là dessus ?

Pray’One : C’est vrai qu’on retrouve un peu toujours les mêmes têtes. Pour « MCs en faktion vol.2 » j’ai fait un concours pour trouver de nouveaux talents : sur la centaine de maquettes que j’ai reçu, j’en ai gardé que deux (P.LO de la Censure et S’Pry de V13). Tu reçois des trucs, rien qu’à voir le nom du rappeur, tu sais que c’est même pas la peine d’écouter. Il y en a qui m’ont appelé, je pensais que c’était mon manager qui me faisait des blagues (rires) !

 

Tu me disais que « MCs en faktion vol.2 » allait sortir en CD. C’est une pratique de plus en plus courante, tu penses qu’à terme la tape va finir par disparaître ? Légalement, ça va pas poser des problèmes ?

Pray’One : Malheureusement oui. J’ai mis du temps à faire du CD mais je m’y mets. Légalement, ça sera plus galère mais bon… y a des astuces, faut venir me voir (rires).

 

D’ailleurs, la mix-tape en tant que telle est de plus en plus rare, ce sont de moins en moins les DJ qui bossent sur le format k7…

Pray’One : La plupart du temps, c’est des gars de cité qui prennent leurs potes, essaient d’avoir une ou deux grosses têtes et mettent leurs sous là dedans. Le plus souvent, on n’a pas le droit à de bonnes surprises, c’est un peu le problème des street tapes. Il n’y a plus trop de DJ en jeu c’est clair. J’en ai invité quelques uns pour des interludes.

 

Quels sont tes projets ?

Pray’One : Le volume 2 des maxis One Time après celui feat. Asken et les X) qui sera avec l’ANPE. Je fais un son sur le prochain maxi d’Asken, l’intro de la compilation « Illicite ». Aujourd’hui, les gens ont confiance en mes sorties, je vais arrêter de faire des trucs du genre mix-tape.com awards, ou des mix-tapes dont je peux pas faire la sélection : des groupes comme Relic ou Deblé Men n’auraient jamais été sur une tape faite par moi, tous les gens qui sont sur mes tapes sont voulus.

Je pense sortir une série de 5 maxis 3 titres (dont un anglophone) où j’invite des MCs à poser : on devrait retrouver Pyroman, OSFA, Cypha Prayer, Amad Jamal, Sage Supreme, B.A… Le but est de, par la suite, sortir une compile CD avec des inédits.

Je fais une émission de radio avec Asken qui est diffusée un peu partout en France sur des radios locales ainsi qu’à Bruxelles et à Montréal. Pour mon actu : www.cypha-prayer.com.

 

Baby Hermann

Publié dans Magazines

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