[Interview] : Kohndo (Tracklist #10, janvier 2003)

Publié le par Nico

Kohndo.

 Beaucoup annonce « C’est écrit » comme le grand retour de Kohndo. Pour revenir, encore faut-il être parti ! De l’âge d’or de la Cliqua où il composait le Coup d’Etat Phonique avec Egosyst sous le nom de Doc Odnhok jusqu’à la sortie prochaine de son premier album, KOH ne sera pas resté inactif, loin de là. Pas moins de quatre maxis personnels à son actif : un 2 titres partagé avec Narcisse, puis une première réalisation solo assez confidentielle « Prélude à l’odyssée » qui sera suivi de « Jungle boogie » avant que « J’entends les sirènes » ne rappelle l’interprète de « Dans ma tête » au bon souvenir du public.

Entre temps, Kohndo a grandi, mûri, affiné son approche musicale et est dorénavant totalement sur de lui, de sa musique et de son avenir. Après avoir persisté (malgré les échecs) pendant des années, il signe enfin chez Nocturne son premier album (« Tout est écrit ») qui se veut le reflet idéal de sa personnalité. Rencontre avec un personnage sympathique et très locace…

 

Quelle vision tu as de « Conçu pour durer » aujourd’hui ?

Kohndo : Même si j’apportais des trucs, j’étais pas au point du tout. Aujourd’hui, je suis grand derrière le mic. J’aime la fraîcheur qui se dégage de l’album mais le seul morceau que j’aime vraiment c’est « Tuer dans la rue ». J’étais super fière de « Dans ma tête » (particulièrement du remix) mais je manquais d’expérience studio, c’était ma première apparition et j’avais peur de m’affirmer. Cette époque, c’est mon adolescence.

 

Quelle est ta démarche aujourd’hui quand tu fais du son ?

Kohndo : Elle est très simple. Je veux faire du son avec mes potes. On s’en fout de réussir, on veut écrire des textes, faire du son avec NOTRE vision. Quand tu évolues dans un groupe, tu te montes la tête, tu ressasses des trucs qui finissent par te rendre aigri. Les gens avec qui je travaille sont éparpillés dans toute la France : Jee2Tuluz est sur Toulouse, Yvon est sur Colombes, Gass est à Lyon, etc… Chacun amène son univers, son vécu.

Ce qui est le plus important pour moi c’est l’échange. C’est devenu très difficile de trouver des gens qui ont cette motivation, cette vision du rap. J’ai mes critères, mes références en rap. Si je devais qualifier la musique que je fais et le cercle dans lequel j’évolue, je comparerais ça à ce qui se passe dans la Bay Area : on est un îlot qui essaie de faire avancer la musique et de l’enrichir culturellement…

 

Par rapport à ce que tu viens de dire, comment réagirais-tu à un échec commercial ?

Kohndo : Ca m’emmerderait bien sur parce que cet album a de grosses qualités. Ça voudrait dire qu’on occulte toute une face du rap français. Mais je sais que ça ne me ferait pas me remettre en question artistiquement parlant.

 

Tu as déclaré que ta musique parlait plus à des gens de 25-30 ans qu’à des plus jeunes. A cet âge là (et même avant), beaucoup sont déçus de ce qu’est devenu le rap. Tu n’as pas peur qu’ils boudent ton album ?

Kohndo : Je sais pas si ça leur donnera envie de revenir au rap en général mais je sais qu’ils pourront se dire « c’est pas mort, il y a encore un album qui a la faculté de me parler ». Quand je dis 25-30 ans, je suis un peu provocateur : toute personne qui a eu un vécu, un jugement équilibré sur les choses qu’il voit ou entend peut comprendre ma musique.

Personnellement, je ne peux pas me permettre de me soucier de ce que va penser le public. Mon but, c’est juste de pouvoir m’exprimer, de toucher un certain nombre de personnes. Je suis auditeur moi aussi : quand un artiste me déçoit, je le zappe. C’est pour ça que je veux faire ce que j’estime être le mieux pour ne pas avoir de regrets.

Je veux faire passer un message mais je suis pas un « teacher » : je veux juste mettre en avant des petites choses de la vie qui peuvent nous aider à nous construire. Après si quelqu’un écoute et se dit « ah j’aime bien ce qui passe là », j’ai gagné.

 

Considères-tu que ton album a un côté intimiste ?

Kohndo : Je n’aime pas ce terme. Je ne me vends pas, je fais rentrer personne chez moi. Je me sers de choses que j’ai vécu ou que des proches ont vécu mais ce n’est jamais réellement ma vie. Dans ma musique, je synthétise plein d’expériences et chacun pourra en tirer ses propres conclusions. L’auditeur voit à travers mes yeux. C’est là que se situe ma démarche artistique.

 

Ton album est très homogène… peut-être même trop dans le sens où il manque au moins un morceau plus dynamique ou radicalement différent pour relancer l’écoute. Tu penses pas que ça puisse te nuire ?

Kohndo : Oui je suis d’accord pour l’homogénéité. On me ramène toujours à « est-ce que tu ne penses pas que les gens vont penser ça de… »… mais je m’en bats les couilles ! Je vois mon œuvre comme une peinture : est-ce qu’un peintre pense à ce que les gens vont penser de ce qu’il a peint ? Non ! Moi c’est pareil.

Il y en a peut-être qui me trouvent pas assez hardcore parce que ma voix est posée mais quand tu écoutes « J’arrive phat »… mais c’est super hardcore ce que je dis !

En fait, au travers de tous mes maxis, j’ai cherché à montrer mes qualités de MC. Aujourd’hui, j’estime que ce travail est fait. Avec mon album, je prouve que je suis un artiste accompli et que j’ai dépassé ces considérations de « je vous éclate etc ». Je me suis surtout intéressé à la musicalité, j’ai bossé pour que mes acapellas aient du swing.

 

En parlant de son bounce, c’est surprenant de ne pas en retrouver dans ton album alors que ton dernier EP l’était majoritairement (et que ton maxi avec Narcisse avait également cette couleur).

Kohndo : C’est vrai qu’il était majoritairement dancefloor. Je voulais montrer que j’avais compris comment faire du bon bounce. J’avais l’impression qu’avec « Prélude à l’odyssée » et « Jungle boogie », malgré le fait que j’étais très sur de moi, personne ne m’entendait vraiment Ce maxi là m’a fait rappeler au souvenir du public.

C’était aussi l’occasion de ressortir une dernière fois mon alter ego Doc Odnhok et affirmer l’existence de Kohndo en tant qu’artiste.

 

On t’a relativement peu entendu entre la compilation d’Arsenal « Le vrai Hip Hop » où tu faisais encore partie de la Cliqua et ton premier maxi « Prélude à l’odyssée ». Tu es revenue avec une image radicalement différente avec ce maxi. Que s’est-il passé ?

Kohndo : J’ai mûri. Pas mal de galères relationnelles, sentimentales, niveau business. Avec tout ça, tu prends de l’âge et tu te poses la question de ce que tu fais dans la musique et dans la vie. Tu te demandes pourquoi tu aimes cette musique, tu cherches tes référents et tu finis par te demander pourquoi ce que tu fais est en décalage avec ce que tu aimes. Plus ça allait, plus je comprenais ce que faisaient les artistes que j’apprécie : OC, Gangstar, Common, Nas… Je me suis rendu compte que ce qu’ils disaient n’était pas très éloigné de ce que je pensais. J’ai donc travaillé sur moi même et réussi à dégager mon propre style.

J’ai travaillé sur le fond, je me suis demandé quel message je voulais faire passer. C’est pour ça que je rappe sur des choses que j’estime essentielles comme le fait qu’on a de plus en plus besoin d’unité, que le quartier ça peut être positif, qu’on a tendance à occulter l’Homme Noir… Là j’avais trouvé ma direction.

 

Tu n’as fait qu’une prod sur ton album mais les prods qu’on a pu entendre ailleurs sonnent très américaines. Ne penses-tu pas qu’on puisse avoir un son français ?

Kohndo : En fait, moi je fais le son que j’aime entendre. Si ça sonne ricain, c’est parce que je le fais dans l’optique qu’un Américain soit à l’aise s’il posait dessus. Ma façon de poser se rapproche de celle des Américains.

Pour produire, j’utilise toutes mes références en matière de soul, de jazz, de rap pour faire mon son. Si j’ai des influences, j’estime avoir ma patte : ma découpe de sample n’est pas classique, mes beats ne sont pas super lourds mais arrivent quand même à claquer…

De toute façon, je ne me considère pas encore producteur. Je vais donc continuer à bosser, à balancer des sons, à me construire et un jour je me considérerai comme tel et ce jour là, ça se saura.

 

Comment te vois-tu défendre un album aussi homogène et calme sur scène ?

Kohndo : Je l’ai déjà fait au Batofar en première partie d’Octobre Rouge et Insight. Je ne présente pas que des morceaux de « Tout est écrit », j’ai tous mes morceaux de mes maxis aussi pour booster le public !

 

Quel regard portes-tu sur la nouvelle scène française, sur ce qui se fait en rap chez nous actuellement ?

Kohndo : J’ai pas trop d’avis dessus vu que j’ai pas assez de recul. Je m’y intéresse très peu.

La scène américaine m’intéresse beaucoup plus. Je suis très à l’affût de sons façon beat sur 4 temps, sample de soul… donc forcément je suis attentif à ce qui se fait dans la Bay Area. Il y a d’autres scènes qui se développent que je connais mais que j’écoute très peu parce que les référents musicaux ne sont pas les mêmes… Mon oreille ne percute pas mais je sais reconnaître que c’est du bon.

 

Le mot de la fin ?

Kohndo : Rappelez-vous que « Tout est écrit » est mon premier album. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de premiers albums de cette teneur là. J’ai beaucoup bossé dessus, j’y ai mis mes tripes. Ça fait maintenant un an qu’il est terminé et avec le recul, j’en suis content de bout en bout.

Maintenant, j’ai envie de bosser sur des side projects, je vais me pencher pas mal sur la production, je vais essayer de gérer un peu ma Fondation Heartclick avec les gens dont j’ai parlé avant et je commence déjà à penser à mon prochain album.

 

Deadpool

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